Il est de toutes les aventures culinaires. Après le restaurant du Mac/Val, c’est au Palais de Tokyo que Gilles Stassart pose ses fourneaux pour une expérience à la croisée de la gastronomie et de la performance artistique. Rencontre.
Un cube en verre abritant une table d’hôtes perchée sur le toit du Palais de Tokyo, un potager dans la cour du musée et une salle réservée à des cours de cuisine : Art Home – prononcez
« arôme » – se veut un voyage artistique autour de l’art culinaire. Aux manettes, Gilles Stassart, directeur et chef du Transversal – le restaurant du musée d’art contemporain Mac/Val, devenu restaurant nomade –, théoricien de l’art culinaire et chroniqueur chez Beaux Arts Magazine. Il est de toutes les aventures comestibles renversantes. Un zeste intello, totalement arty, il cuisine les histoires bien plus que les produits.
Lefigaro.fr/madame. – Journaliste, chef, directeur culinaire : ce n’est pas facile de vous définir…
Gilles Stassart. – Ma spécialité est de rapprocher la gastronomie et les arts plastiques. Pour moi, les produits sont comme des objets, avec des formes, des goûts, des couleurs. Avant, j’ai beaucoup réfléchi aux aspects plus théoriques de la cuisine, notamment à travers mon travail chez Beaux Arts Magazine. Beaucoup de choses s’y rattachent : l’écologie, les voyages, des questions économiques comme l’agriculture… Maintenant, après vingt ans, je peux enfin me mettre à la pratique.
Quel est votre rôle dans Art Home ?
On m’a demandé de créer un projet culinaire autour de Nomiya, le dispositif en verre mis en place sur le toit du Palais de Tokyo. J’ai accepté car il y a là tous les éléments que je recherche : la rencontre avec un artiste, Laurent Grasso, la collaboration avec un musée et, bien sûr, la responsabilité de mener le projet. Au Mac/Val, je cuisinais à côté d’œuvres, mais là, c’est carrément dedans !
Et en quoi consiste précisément ce projet ?
C’est un ensemble de choses. D’abord, une table d’hôtes, ouverte pour le déjeuner et le dîner, avec un menu qui change tous les jours. J’animerai aussi des ateliers autour des recettes servies au Nomiya et du potager que nous avons planté juste en dessous. Ces cours me permettent de transmettre ma philosophie de la cuisine en tant que pratique intime et quotidienne. J’essaye d’y engager le public à expérimenter, décloisonner et, surtout, ne plus avoir peur de rater. Par exemple, on va faire des œufs à la neige salés ou tenter des associations inédites comme le kiwi pour acidifier une huître…
En quoi votre cuisine est-elle en rapport avec l’art contemporain ?
Ce sont deux pratiques esthétiques. Même avec une purée, on peut faire quelque chose d’esthétique. Je défends une cuisine du geste et de l’improvisation qui ressemblerait plus au jazz qu’à une symphonie. Je dédramatise, je sors des règles. C’est le principe même de la création : il faut savoir prendre des risques… Or en cuisine, ce n’est pas très grave ! Par exemple, je m’essaye quelquefois à des recettes sans sel. Cela donne des plats fades et apporte une certaine neutralité avant un autre plaisir gustatif dans le menu.
Concrètement, que mange-t-on au Nomiya ?
Chaque jour, le menu unique change. Il y a une mise en bouche, une entrée, un plat, un dessert. Et des « virgules flottantes » : j’ai emprunté ça aux maths, c’est un « truc » qui arrive pendant le repas, un contrepoint, par exemple un granité à la framboise avec une émulsion de cresson. Pour les plats, il n’y pas de restriction : on peut tout faire, même des grands classiques comme le bourguignon. Mais en me souvenant que ma grand-mère mettait un carré de chocolat dans la sauce pour atténuer son acidité, j’ai choisi de faire un bourguignon vraiment au chocolat. Mon cassoulet de poisson à la coriandre avec des fèves n’a plus de cassoulet que le nom, mais c’était quand même bien l’idée de départ. Je peux aussi partir d’une technique, d’un produit ou d’une association, comme le kiwi et l’huître qui deviennent le « kiwhuître » et, au final, cela donne toujours des créations.
Art Home au Palais de Tokyo, 13, avenue du Président Wilson, 75016 Paris. Tél. : 01 47 23 54 01.
Déjeuner au Nomiya : 60 € ; dîner : 80 €.
Réservations pour les ateliers (adultes : 20 €, enfants : 15 €) et pour les repas sur www.art-home-electrolux.com.
L’astuce de Gilles Stassart
J’aime bien émincer des fruits dans du vinaigre au dernier instant. On peut essayer avec toutes les variétés, mais avec des cerises, c’est parfait. Vous pouvez aussi émincer un abricot pas très mûr avec de l’huile – délicieux sur un ceviche de langoustine – ou essayer avec un litchi et de la très bonne huile d’olive.
Son adresse fétiche
L’épicerie fine Sur les Quais, au marché d’Aligre, à Paris, pour ses câpres de Pantelleria au sel. Pantelleria est une île volcanique italienne située au nord de la Tunisie. Et ce sont les meilleurs câpres du monde !
Sur les Quais, marché couvert Beauvau, place d’Aligre, 75012 Paris. Tél. : 01 43 43 21 09.
Source : Le Figaro Madame