Alain Jacob s'est rendu à la Sorbonne pour une conférence sur les métiers de l'Hôtellerie et de la restauration. Un moment fort, où il a pu proposer son expertise et montrer les évolutions des différents métiers. Voici, en quelques lignes le résumé de son intervention !
L'objet de l'intervention était de refléter les attentes des employeurs des secteurs hôtellerie-restauration-tourisme dans le domaine de la formation professionnelle, du savoir-faire et du savoir être et comment orienter des étudiants vers ces secteurs. Oui à orienter !!! Le public était composé de Conseillers d'Orientations de l'Education Nationale.
En préliminaire rappel de quelques statistiques pour situer le périmètre économique des 3 secteurs concernés, en 2006 :
- c'est plus de 79 millions de visiteurs et 6 % du PIB : la consommation touristique dégage un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros,
- c'est plus de 200 000 entreprises,
- c'est plus de 800 000 salariés,
Les niveaux de formation demandés, pour les fonctions d'encadrement supérieur, vont bien au-delà du BTS : aujourd'hui le BTS Hôtelier, malgré toutes ses qualités, ne suffit plus. Les employeurs demandent des formations Bac + 3 et plus, des diplômes d'Ecoles de Commerce, pour des Directions d'Etablissement et les Directions des fonctions supports dans les sièges de Groupe Hôtelier et de Chaîne de restauration.
Il est excellent de faire ses premières armes à l'étranger, quand sa situation personnelle permet de quitter aisément sa famille, ainsi de connaître d'autres cultures et de se les approprier. Cela permet aussi de mieux répondre aux besoins des ressortissants des pays concernés lorsqu'ils sont nos clients en France.
Incroyable mais vrai nous sommes toujours en retard dans le domaine de l'anglais : nul ne peut envisager aujourd'hui une véritable carrière dans l'hôtellerie, et dans une moindre mesure dans la restauration, sans maîtriser l'anglais à l'oral et à l'écrit de façon courante.
L'empathie, l'écoute : voilà deux qualités comportementales essentielles pour réussir dans ces métiers qui sont des métiers d'aide à la personne.
Il faut que les étudiants qui s'y orientent soient "des gens qui aiment les gens" sinon comment trouver de la satisfaction à fournir des efforts, pour que le temps passé à l'hôtel ou au restaurant soit une succession de moments de plaisir pour la clientèle.
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Les saveurs du passé
"Les arts de la table, les assortiments de saveurs sont autant de bruissements du temps. Nous sommes aujourd’hui, hier a doucement chu, demain arrivera de sa verte démarche. Nous suivons les couteaux des cuisiniers, nous dessinons les saveurs des tomates sur un air italien dans Drei Sterne (Chère Martha) de Sandra Nettelbeck. Mais la cuisine outre les sentiments c’est une évocation du passé, une ode aux plaisirs gustatifs du temps et de l’histoire.
Avec Vatel (2000) de Roland Joffré, nous suivons les délices les plus fous d’un cuisinier de génie opérant à la cour du roi-Soleil. Nous sommes en 1671, Vatel doit organiser de somptueuses agapes pour toute la cour. Des impondérables réduisent à néant les festivités. Plongée au cœur de l’histoire, nous découvrons l’art de la création des recettes et des plats en sauce.
Tampopo (1986) de Juzo Itami, nous entraîne au cœur de la création contemporaine des soupes. Même si la recette du film est assez simple, elle nous fait découvrir les méandres du temps et de l’effacement des blessures. Ecoeuré par la médiocrité de sa soupe aux nouilles, qui manque de « corps et de tonus », un routier de passage décide d’aider une jeune veuve restauratrice à améliorer la qualité de sa cuisine. Juzo Itami peint ainsi savoureusement les rites culinaires japonais. Nous apprenons ainsi à déguster comme il faut la fameuse soupe aux nouilles, qui nous redonne une âme. Il faut caresser avec les baguettes la surface du bouillon, pour apprécier la brillance des pousses de bambou, le velouté des algues qui sombrent peu à peu, la fierté des oignons flottant, avant d’effleurer trois tranches de porc rôti, puis commencer à aspirer les nouilles, charnues et généreuses.
Avec Beignets de tomates vertes de Jon Avnet (1991), Ninny, une octogénaire, raconte à une ménagère l'histoire de deux jeunes femmes qui, dans les années 30, pendant la dépression aux Etats-Unis, eurent l’idée d'ouvrir un restaurant. Ainsi Ruth rencontre Idgie. L’une quitte son mari violent. L’autre soutient la cause des Noirs. Pour la bourgade où elles se trouvent cela fait beaucoup, elles décident ainsi d’ouvrir le Whistle Stop Café dont la spécialité est les beignets de tomates vertes. Saveurs d’Antan, les tomates sont fondantes, baignées dans une huile troublée qui fera face à l’histoire et aux ségrégations.
Clore une histoire, achever les rêves d’enfance, c’est que Le Dîner de Ettore Scola (1998) réussit fort bien. Dans une trattoria élégante viennent mourir les dernières utopies. Fanny Ardant est Flora la maîtresse du lieu. Elle est une sorte de cœur en hiver que courtise depuis toujours un maestro impérial et inutile. Parmi les clients : un professeur de philosophie revenu de tout, notamment de sa trop jeune maîtresse, enseignait que « l’esprit fait le corps tout entier », il n’y croit plus. Une croqueuse d’hommes s’effondre quand sa fille lui avoue vouloir porter le voile. Véritable antichambre de la mort, nous saisissons en plein vol les contradictions de Flora qui, au lieu de saisir l’amour passant à sa portée s’en détourne, lui préférant les enjeux sans risque d’une partie de scopa avec le maestro.
Évidemment pour dresser un tableau complet du lien entre les saveurs culinaires et l’art du passé, il me faudrait évoquer ici Kitchen Stories de Bent Harmer (2003) ou encore Dinner for one ou Le 90e anniversaire de Heinz Dunkhase (1963). Autant d’amuse-bouche agréable qui ne nous font pas penser à l’autre art culinaire adoré et cultivé par le cinéma : l’anthropophagie."
À suivre l'anthropophagie au cinéma -
Le cinéma se met à table !
En plusieurs morceaux de choix, devrions-nous dire, nous allons vous faire découvrir un article de Sonia Bressler, sur le lien entre cinéma et les arts de la table. Nous allons ainsi tantôt savourer, tantôt dévorer le lien culinaire entre plusieurs films... Que disons-nous ? À Table !
"Drôle de paradoxe que les films qui évoquent la cuisine. Le cinéma est, avant tout, le plaisir des yeux, comment peut-il réussir à nous faire dévorer des plats ? Quel rôle ont les images dans le plaisir gustatif ?
Les films où la cuisine a le rôle titre sont souvent un régal pour les yeux. Parfois ils nous font mourir de rire. D’emblée, nous sommes dans une dualité sensorielle mais aussi culturelle. Ils nous familiarisent avec d'autres univers, mais peuvent aussi nous couper l'appétit. Ils mettent en scène aussi bien la sensualité que la passion dévorante, voire la vengeance amère. Jouant sur cette dualité, il s’agit ici de mettre en scène différents films traitant de la cuisine ou de l’art culinaire afin d’en orchestrer tous les sens, toutes les saveurs. Ainsi en comprendrons nous toute la dimension anthropologique.
L’amour à la table
Les douleurs de l’amour et l’art de la table se cuisinent et se savourent au cinéma sans modération. Nos yeux de spectateurs se ferment sur des larmes imaginaires et nous sommes même capables de dévorer des plats et d’en ressortir l’extase. Alfonso Arau réussit, en 1992, cet exploit dans les épices de la passion (Con Agua Para Chocolate). En 1895, Tita naît sur une table de cuisine. Benjamine de la maison, elle est vouée à servir sa mère et, donc, au célibat. Cette adaptation du roman de Laura Esquivel explore les saveurs d’une passion plus forte que le temps. Elle abolit littéralement la frontière entre le sexe et la nourriture. Tita doit préparer un repas et le servir, sans y participer. Sa famille est là, ainsi que l’homme qu’elle aime. Pour faire passer son message au jeune Pedro, elle met tant d’amour dans sa cuisine, tant de sensualité, que tous ceux qui goûtent sa cuisine ont un orgasme.
Comment ne pas penser ici au délicieux Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner (1989) ? Déboussolés comme des enfants soudain lâchés dans la cour des grands, Harry et Sally hésitent entre le jeu de l’amour et du hasard et celui du chat et de la souris. Ils se sont rencontrés à l’université de Chicago. Ses grandes chaussettes de laine défiaient quiconque de trouver du charme à Sally. Harry avait pour salle habitude de cracher bruyamment des pépins de raisin et de tenter sa chance auprès de toutes les femmes. Autour d’une table, ils évoquent leurs vies parallèles. Sally est maniaque à table. Tout doit être servi séparément. Et pourtant demeure cette scène mémorable de son orgasme simulé dans le restaurant «Katz's Delicatessen» à New York. Un morceau d'anthologie.
Dans un tout autre registre, les Mille et Une Recettes du cuisinier amoureux (1997) de Nana Djordjadzé, nous entraîne dans l’amour de l’art. Ce film prône l’amour de la chair et de la bonne chère comme acte de résistance. Lorsque les staliniens envahissent la Géorgie, le héros, patron d’un restaurant réquisitionné, résiste. Non en prenant les armes, mais tout simplement en notant des recettes sur des feuilles de papier. Il a cette phrase magistrale « les communistes disparaîtront, la bonne cuisine, jamais ». L’art comme la cuisine sont les seules armes, douces mais imparables, pour lutter contre les malveillants.
Evoquer l’art de la table, l’amour et la joie qu’il procure, ne peut se faire sans parler du film le Festin de Babette de Gabriel Axel (1986). Issue d’une nouvelle de Karen Blixen, il narre l’arrivée de Babeth, fuyant les répressions de la Commune, chez deux sœurs très pieuses d’un village isolé du Danemark. Elle y découvre des habitants tristes. Sans saveurs, réduits à se nourrir exclusivement de la morue bouillie. Un jour, Babette remporte à la loterie. Pour exprimer sa reconnaissance, elle décide d’offrir à la communauté, épouvantée, un vrai repas. Son menu est le suivant : soupe à la tortue, blinis Demidoff, cailles en sarcophage, arrosées de Clos Vougeot. Autant de délices ignorés remplissent les habitants d’un bonheur et d’un ravissement. Avec ce festin, ils découvrent la vie et ses joies.
Autre festin, autre angoisse. Ang Lee, avec Salé sucré (1994) nous plonge au cœur de la cuisine de monsieur Chu. Eminent cuisinier et respectable veuf. Il vit avec ses trois filles dans la grande maison familiale de Tapei. Viandes rutilantes, légumes finement sculptés, pâtes pétries, rôties, fumantes… Tous nos sens sont en éveil, au fur et à mesure que M. Chu perd les siens. Enfermé dans un digne refus du présent ou « refoulé comme une tortue » comme le souligne un ami cuisinier. Son goût, si raffiné, si exceptionnel, s’efface peu à peu, symbole de son angoisse face à la mort, de la vacuité d’une vie passée à exceller dans un art périssable. "
À suivre "les saveurs du passé"