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L’anthropophagie à l’écran

eb147ace4ff6e02d323a484446aa8010.jpg "Avec Trouble Evry day Claire Denis joue sur la corde de la passion. L'image est séduisante, elle s'impose par son âpre sobriété. La réalisatrice pose sa caméra et embrasse le champ tel une Turner du cinéma. Précise et floue, elle montre l'intérieur et l'extérieur des personnages. C'est bien de ce conflit que semble vouloir traiter le film. Entre amour passionnel et amour cannibale la limite est ténue. Un suçon sur la peau, une morsure pas trop profonde, l'amour à mort, la "dévoration" de la chair désirée jusqu'à son paroxysme. Là est le vrai sujet, esquissé, esquivé, mais obnubilant : Coré, une femme très belle et très désirée, mange les hommes avec lesquels elle fait l'amour. Les images frôlent l'insoutenable. Elles nous interrogent.
Bien que ce film soit à l’origine de nombreux débats, il ne va pas aussi loin que Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato (1979). Il s’agit sans doute du film qui représente le mieux ces oeuvres poisseuses que chacun rêve de voir mais que personne n'ose visionner, de peur de braver un interdit quelconque, de franchir une limite qu'il vaut mieux ne pas franchir. Le film de Deodato évoque immanquablement des images terribles, des images d'ultra-violence, de viols, de tortures d'animaux, de climat insoutenable... Mais se nourrir c’est aussi cela : survivre.
Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989) nous livre l’histoire d’une passion dévorante. Richard, chef cuisinier français, observe ses clients. Le voleur, Albert, vient tous les jours avec sa femme, Georgina. Un soir, Georgina remarque un dîner solitaire qui devient son amant. Dix jours, dix repas, dix menus, le cuisinier complice de la femme et de son amant, le voleur acharné à se venger… Ce savoureux cocktail donne lieu à un déferlement de cynisme, de sadisme, de mort, à une fable sur l’égoïsme. Frontière indicible entre le dégoût et le plaisir.
8404117f48b6306608c60ea707cbdea1.jpgIl en va de même dans le film Titus de Julie Taymor (1999), elle suit le drame shakespearien à la lettre tout en le transposant dans le temps. Tout se termine autour d’un repas au cours duquel les enfants sont hachés menus puis dévorés par leurs parents respectifs. Vengeance, cruauté, les mots sont à la bouche du déplaisir.
L’anthropophagie au cinéma « met sur la table » la distinction entre le cannibalisme réel (fait culturel institué propre à certaines sociétés) et le cannibalisme imaginaire, présent dans les productions mythiques et les contes des sociétés les plus diverses. Les mythes grecs, aussi bien que les contes amérindiens ou africains, sont remplis de thèmes tels que ceux de l’ogre, de la dévoration des descendants, de l’autocannibalisme. Ces films nous montrent que ces fantasmes renvoient à d’autres catégories, qui mettent en jeu, par exemple, la nécessité de l’exogamie ou les oppositions entre le comestible et le non comestible, entre la nature et la culture.

Pour compléter ce tableau, il nous faut faire le lien avec nos comportements alimentaires et pourquoi ne pas les pousser à l’excès comme dans La Grande Bouffe de Marco Ferreri (1973) ? Féroce satire des débuts de la société de consommation : quatre bourgeois, quatre amis (un juge, un restaurateur, un animateur de radio) décident d’appliquer à la lettre les oukases de la société de consommation. Sexe et bouffe. Bouffe, bouffe à outrance jusqu’à en mourir. Initiation à l’envers, fondée sur le mépris de soi et des autres."

À suivre "Rire de l’industrie alimentaire"

Commentaires

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