Dans le rôle du DRH du mois, Dominique Giraudier, directeur général, et administrateur du Groupe Flo, explique les enjeux en termes de ressources humaines des choix stratégiques de l'entreprise.
L’Hôtellerie Restauration : Après deux ans de crise économique sans précédent, quels sont les projets de développement du groupe Flo ?
Dominique Giraudier : La crise a été violente. Nous avons enregistré une baisse d’environ 15 % en volume entre 2008 et 2009. Il a fallu s’adapter très vite aux changements de comportement des consommateurs. Dés mars 2008, face à l’augmentation du prix du pétrole et à la baisse de leur pouvoir d’achat, ils ont revu à la baisse de 4 à 5 points le ticket moyen de leur repas et ils ont concentré leur fréquentation des restaurants durant les week-ends. Certains de nos restaurants ont dû affronter des chutes de 30 à 40 % les soirs de semaine. Autre tendance, plus structurelle, accélérée par la crise : la réduction du temps passé à table. Des études montrent qu’en moins de 10 ans, les moments consacrés aux repas sont passés de 90 minutes à 30 minutes à Paris. La baisse de la TVA nous a sauvés, mais a dû s’accompagner d’une réorganisation des équipes, d’une stratégie de réduction des coûts et d’une réflexion sur nos offres. De profonds changements sont en cours. Ainsi, pour la première fois, nous avons largement fait appel au temps partiel afin de répondre à l’afflux de clients le week-end. Notre ratio de temps partiel est passé de 2 % à 20 %. Un temps considéré comme peu compatible avec l’investissement et l’engagement propres à nos métiers. C’est une petite révolution. Elle implique le recrutement d’une population d’étudiants de formation bac + 5 intéressés par le temps partiel. L’intégration de ce nouveau profil d’employés a été stimulante pour les équipes.
En ce qui concerne la gestion des coûts, nous avons misé sur la massification de nos achats, en calant la sélection de nos fournisseurs au plus haut niveau de qualité : sur les exigences des Hippopotamus pour la viande, sur celles de nos brasseries pour les poissons. Enfin en termes d’offre, la crise confirme une évolution structurelle. Les clients deviennent très sensibles au rapport qualité/prix et n’ont pas les mêmes besoins à midi que le soir. Nous devons coller à la demande, segmenter et clarifier. Là où nous proposions 150 plats, nous en proposons une centaine et nos cartes du midi sont limitées. Dans nos Hippopotamus deux produits ont explosé : les hamburgers de Charolais et la viande de race. Dans ce souci de s’adapter à une demande ciblée et exigeante, les brasseries quittent la bannière Flo pour retrouver leur nom et renforcer leur spécificité.
Et c’est dans ce sens qu’il faut continuer à travailler. Le groupe Flo devrait afficher à nouveau une croissance à deux chiffres en 2010, mais il faut rester prudent. Dans les cinq prochaines années, notre développement reposera en grande partie sur la franchise afin d’assurer à nos marques toujours plus de diffusion. Nos franchisés devraient passer d’une centaine aujourd’hui à plus de 300 d’ici à 2015-2016. Les ouvertures en propre se poursuivront toutefois dans nos zones géographiques stratégiques (Paris, Île-de-France, Paca, Nord, Ouest et axe Lyon-Grenoble-Genève). Enfin la marque Bistro Romain est progressivement abandonnée au profit des Hippopotamus ou Tablapizza .
Quels sont les enjeux RH de ces choix stratégiques ?
Nous avons un gros travail à faire pour se donner les moyens humains de nos ambitions. Notre politique RH repose sur la fidélisation, l’organisation de la mobilité interne et le recrutement de nouvelles compétences. Cette stratégie s’adosse sur le management de proximité. Dans nos métiers, il est essentiel de laisser aux directeurs de restaurants ‘la main’ sur le recrutement et la gestion de leur équipe. Nous avons créé une organisation et un comité RH au niveau du groupe, capables de les accompagner sur le terrain. Ainsi en 2008, nous nous sommes structurés en trois grands pôles adaptés à nos modèles d’activité : la restauration à thème, qui regroupe nos enseignes sur un mode proche de celui des réseaux de la distribution ; les brasseries, dont l’activité doit rester artisanale et, enfin, la franchise, appelée à se développer.
Restent la directions des achats et des finances, et la gestion administrative du personnel. Le comité RH, composé des directeurs des trois pôles et de leurs responsables RH, est la clé de voûte de notre stratégie en matière de relations humaines. Cette équipe conçoit les formations que nous proposons à nos salariés et à nos managers, les politiques de rémunération - qui intègrent des bonus liés à des indicateurs qualitatifs, comme le taux de formation des équipes ou le turn over . Elle conçoit aussi les entretiens d’évaluation qui pilotent la mobilité interne et dont le principe doit rester simple (une page recto verso) et favoriser les cursus multienseignes. C’est aussi à ce comité de favoriser la création d’un vivier de hauts potentiels. Nous avons besoin de toujours plus de directeurs de restaurants et de managers. Il faut donc être capable d’accompagner la montée en compétences de nos salariés (deux tiers des directeurs de restaurants sont issus de la promotion interne), de leur offrir des évolutions de carrière au sein du groupe pour les fidéliser.
Dans cet esprit, les opportunités qu’offre le développement de la franchise sont un autre enjeu important. Beaucoup de nos collaborateurs veulent devenir leur propre patron et nous devons tout mettre en place pour les accompagner. C’est une façon de garder nos collaborateurs les plus talentueux dans le groupe et de garantir la continuité de nos marques. Mais c’est au niveau du recrutement que se jouent les principales problématiques RH dans nos professions.
Quels sont les processus de recrutement du groupe Flo ?
Nous recrutons environ 5 000 personnes par an. Et l’origine du taux record du turn over que connait notre secteur intervient justement dans cette phase critique d’intégration de nouveaux salariés. Selon nos études, 80 % des départs se font après le premier mois d’embauche. Nous avons donc formalisé des programmes d’intégration adaptés aux différentes enseignes et formé les managers. Principe commun au sein du groupe : la nouvelle recrue doit passer par tous les postes du restaurant la première semaine, secondée par un tuteur. Notre site de recrutement et ses processus ont été revus il y a deux ans pour accélérer la mise en contact du candidat et du directeur de restaurant. Ce dernier gère son recrutement de A à Z et bénéficie d’une formation à cet effet.
En outre, afin de faire face à la pénurie de certaines compétences (techniques notamment, en cuisine), nous avons renforcé l’apprentissage. Alors que nous comptions une cinquantaine d’apprentis en 2008, nous en aurons accueilli prés de 600 en 2010. Sans une véritable politique de tutorat ce système ne peut pas fonctionner. Le rôle stratégique des tuteurs est exclu des ratios de productivité. Nous avons lancé des entretiens de fin d’apprentissage afin de mieux comprendre les raisons des départs des apprentis à la fin de leur contrat. Ils n’étaient que 30 % à rester au sein de notre groupe en 2009, ils seront environ 50 % en 2010 et nous visons les 80 % à terme.
Enfin, nous devons attirer de nouvelles compétences issues des écoles de commerce et des formations marketing bac +5. Ces collaborateurs rejoindront notre direction de la franchise ou les directions opérationnelles. Les directeurs régionaux peuvent gérer jusqu’à 1 500 personnes. Sur ces derniers postes, l’objectif est d’atteindre un ratio de 50/50 en recrutement interne et externe contre 70/30 aujourd’hui. L’enjeu est de taille pour notre développement et passe par les relations avec les écoles.
Valerie Meursault source Hôtellerie-Restauration